Dernière mise à jour le 07 novembre 2024
Exploitant et propriétaire pensent conclure un contrat ponctuel de vente d’herbe, qui ne les engage pas pour l’avenir mais rien n’est aussi simple.
lorsque le propriétaire d’une parcelle en herbe cède la récolte à un exploitant agricole qui y réalise la fenaison et s’acquitte du prix convenu,
ou lorsque le propriétaire du fonds enherbé permet à un tiers de le faire paître par ses animaux.
En droit, deux questions se posent : quelle est la nature d’un tel contrat ? Est-il soumis au statut du fermage ? L’étendue des droits et obligations de chacune des deux parties va dépendre de ces réponses, c’est pourquoi il est important d’y répondre préalablement à tout engagement.
Pendant longtemps, les juges ont regardé qui avait la charge de l’entretien de la parcelle pour déterminer la nature du contrat. Si le propriétaire gardait à sa charge l’entretien du bien, la convention était qualifiée de vente d’herbe et échappait à l’application des règles strictes du statut du fermage. Mais, la loi du 4 Juillet 1980 est venue changer cette règle en qualifiant de bail rural « toute cession exclusive des fruits de l’exploitation lorsqu’il appartient à l’acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ».
Désormais, la vente d’herbe, dès lors qu’elle porte sur l’ensemble des fruits d’une même parcelle, sera considérée comme un bail rural et le statut du fermage lui sera applicable dans son intégralité. Au contraire, si le propriétaire garde pour lui une partie de la récolte ou une production secondaire, par exemple recueillir les fruits des arbres de la parcelle, ou encore s’il fait paître ses animaux après la fenaison, il s’agit bien d’une vente d’herbe car le critère de l’exclusivité (ensemble des fruits) ne peut être retenu et le statut du fermage n’est pas applicable.
En cas de cession exclusive « des fruits » de la parcelle, il y a une présomption légale de bail. Cela signifie que le propriétaire devra prouver qu’il ne voulait pas « une utilisation continue ou répétée » de sa parcelle, et qu’il n’a pas voulu frauder le statut du fermage. Cette preuve est donc très difficile à rapporter. Par exemple, pour une mise à disposition ponctuelle dans le temps (moins d’une année), faite en raison d’une circonstance particulière (maladie, accident, insuffisance temporaire de cheptel), on retiendra alors la vente d’herbe, et il n’y aura pas de bail.
Peut-on échapper au critère de continuité, qui fera tomber le contrat dans le statut du fermage, en vendant l’herbe d’une année à un agriculteur, l’année d’après à un autre et ainsi de suite…? Oui, mais en ce cas, la vente d’herbe se répète, même si le cocontractant est différent à chaque fois, et en conséquence le risque est majeur, de requalification en bail à ferme.
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que les cotisations MSA sont indépendantes et ne protègent pas d’une requalification en bail rural.
Ainsi, en droit, la vente d’herbe est un contrat qui doit répondre à des conditions très strictes, et peut facilement être requalifié en bail rural. D’où l’importance avant de s’engager, de rédiger un contrat clair et écrit en s’acquittant au préalable de l’avis d’un juriste.
Chambre d'agriculture de l'Allier
Service Juridique - 08.02.2018
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